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C'est l'histoire d'un romancier à qui tout sourit : les ventes, la célébrité. Mais Marcel Kouellebecq en est malheureux. « Mal coiffé, mal habillé […], cultivant un pessimisme invétéré face à la condition humaine », sa condition de cador des lettres ne le satisfait pas. C'est la dépression qui l'intéresse, pas la jouissance. Encore que dans « Mélatonine » (Ed. Robert Laffont, 154 pages, 15 euros.), pastiche de « Sérotonine » paru en janvier dernier et signé Michel Houellebecq, les voluptés du sexe tiennent leur rang, mais à la sauce… Fioretto.
Fioretto ? Pascal. Né en 1962 à Saint-Etienne. Fils d'un mécanicien et d'une mère au foyer fort occupée par ses quatre enfants. La famille est « biberonnée » à Brassens. Les quatre mômes ont eu leur bac. Pascal a fait du zèle : bac scientifique et bac littéraire. Maths sup et Lettres sup. Au final, ingénieur en chimie. « J'ai gagné ma vie à la perdre jusqu'à l'âge de 40 ans », dit ce grand flandrin, coauteur des textes de Laurent Gerra chaque matin sur RTL, et qui doit à huit ans de psychanalyse d'avoir décroché son permis. « Ca m'a coûté un bras ».
Du jour où le volant d'une voiture ne lui a plus fait peur, Pascal a « plaqué son boulot » et s'est mis à écrire. Il a travaillé pour « Jalons », des gens qui publiaient des parodies de « Libération » (« L'Aberration »), du « Figaro » (« Le Loup-Garou ») ou du « Monde » (« Le Monstre »). Un jour, Basile de Koch, capitaine de ces champions du détournement, a dégainé devant lui une parodie de roman de Philippe Djian. « Il m'a montré les ficelles et les cordes ».
«Vous exagérez, vous n'avez lu que dix de mes livres !»
Pasticher, est-ce repérer des tics d'écriture ? « C'est surtout entendre une musique », corrige l'auteur du « Gay Vinci Code », de « L'Elégance du maigrichon » ou, « Et si c'était niais », s'appuyant sur le roman de Marc Levy « Et si c'était vrai ». Le romancier-star ne lui en veut pas. « Il m'a dit que son fils lui en lisait des passages. » Mieux, son pastiche est sorti en édition scolaire aux éditions Magnard !
Fioretto s'est aussi frotté à Amélie Nothomb (« Hygiène des tubes et tout le tremblement ») et à Patrick Modiano. « Après avoir lu cinq de ses bouquins de suite, j'ai compris qu'il était fasciné par les godasses ». Quant à Amélie Nothomb, elle s'est offusquée pour la forme : « Vous exagérez, vous n'avez lu que dix de mes livres…! »
Pour Houellebecq, dont le nom n'apparaît nulle part sur la couverture, l'affaire était plus compliquée. « La direction juridique, c'est la vache sacrée, reconnaît ce Fregoli des lettres. La jurisprudence française accepte l'exception de parodie. C'est-à-dire que vous avez le droit de vous foutre de la gueule de la personne que vous pastichez. Mais comme vous êtes sûr de gagner, on vous attaque pour parasitisme commercial. L'acheteur distrait peut acheter mon livre en pensant que c'est du Houellebecq. »
Bien sûr, il y a des vexés. Christine Angot ou Christian Signol, par exemple. A la foire littéraire de Brive, l'écrivain corrézien n'a pas apprécié, se souvient Fioretto, d'être rebaptisé Christian Pignol. « Il voulait me péter la gueule, c'est mon éditeur qui m'a sauvé », dit-il. Motif de cette fureur? « Dans une collection que j'avais baptisée Fonds de terroir, et sous le titre Les Engoulevents de la grange-aux-loups, je racontais l'histoire d'un meunier qui cachait un trésor avec une serveuse sourde et muette. C'est quand même la base, non? »
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Il travaille actuellement pour le mensuel humoristique Fluide glacial. Il a également participé au groupe de pasticheurs Jalons, sous le pseudonyme de Docteur Sam Bloch. Son ouvrage parodique Et si c'était niais est sorti en 2007. La Joie du bonheur d'être heureux a été publié en 2008.
En 2010, il reçoit le prix Tortoni pour son recueil de pastiches L'Elégance du maigrichon.
Entre 2010 et 2013, il est coauteur avec Albert Algoud de la chronique quotidienne de Laurent Gerra sur RTL.
En 2012, il sort, sous le pseudonyme de Natacha Braque, un recueil intitulé Rivegauchez-vous!, pastiche de manifeste dont le titre parodie le Indignez-vous! de Stéphane Hessel.
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Un pastiche (de l'italien pasticcio, « pâté ») est une imitation du style d'un auteur ou artiste qui ne vise pas le plagiat. On peut en découvrir dans tous les domaines littéraires et artistiques. Le pastiche est à différencier de la parodie ou de la caricature, bien que le mot « pastiche » puisse être employé comme un synonyme de « parodie »1.
Le pastiche remplit plusieurs fonctions : mémoire, humour, hommage (plus ou moins respectueux), voire un pur exercices de style. Aussi, en général, les productions « plasticiennes » réunissent-elles un ou plusieurs de ces critères mais toujours l'humour, véritable garant de leur authenticité.
Les pastiches se différencient des supercheries, des canulars et des faux montés à des fins vénales ou prosélytes (politiques ou religieux), avec par exemple certains apocryphes ou de fausses œuvres posthumes imitant totalement les productions habituelles d'un créateur disparu (il peut s'agir d'un livre, d'un tableau ou d'un objet d'art, etc.).
Le pastiche est aussi vieux que la littérature. C’est l’imitation minutieuse du style d’un écrivain, reproduisant les formes et les contours de ses phrases, comme la pâte d’un moule reproduit un modèle. Dans la littérature française, Rabelais est l’un des premiers à pasticher, dans Le Tiers Livre, les œuvres et les auteurs de son temps.
Les deux maîtres du genre sont évidemment Paul Reboux et Charles Muller, qui, au début du xxe siècle, vont se lancer dans le « à la manière de », pastichant à la fois la forme et les thèmes de cette talentueuse série de pastiches signés Sosie, celui de Maupassant restant un modèle du genre.
Paul Reboux et Charles Muller ont joué avec talent de tous les registres de langue et de tous les ressorts comiques possibles dans leurs "A la manière de"... Pour Pasticher Victor Hugo, ils ont remarquablement réussi à imiter ses tournures stylistiques dans une improbable parodie de Notre Dame de Paris intitulée Colos le Nain, où, sur un fond médiéval sont narrées les amours contrariées de Mignonette, une jeune géante de douze pieds de haut (comme les Alexandrins... mais à la verticale, précisent les auteurs) et d'un nain nommé... Colos, tous deux persécutés par Maître Requin, un sombre personnage démarqué de Claude Frollo. Dans la veine du XXe siècle naissant, amateur de calembours (d'Alphonse Allais à l'Almanach Vermot) et de chansons estudiantines (l'esprit du Chat Noir ou des Hydropathes d'Emile Goudeau) les pastiches de Reboux et Muller en sont littéralement truffés.
Ils n'ont pas craint de s'y adonner, par exemple, dans une pastiche du Docteur Mardrus (époux de la poétesse Lucie Delarue), célèbre traducteur-adaptateur des Contes des Mille et Une Nuits (notamment ceux de la tradition persane, très empreints d'érotisme). L'histoire narre les amours de la belle Zemmoréïd, de son ardent amant nommé Hassan Lassardine, contrariées par la sévérité du père de la belle, nommé Harrascha Lapatal-Omar, et se conclut d'une manière extrêmement leste, à peine voilée par les « turqueries » au style très fleuri propres à l'écriture de Mardrus.
Pour pasticher Rudyard Kipling et ses Histoires comme çà aux thèmes darwiniens et animaliers, ils ont repris, parfois mot à mot, une célèbre chanson paillarde : Le Pou et l'Araignée2qui était (et est encore) un classique des monômes estudiantins et qu'une tradition tenace attribue à Alfred de Musset.
Michel antoine Burnier et Patrick Rambaud ont repris la balle au bond et, dans l'esprit du tandem Reboux / Muller, ont pastiché bon nombre de célébrités littéraires de la fin du XX° siècle, avec un rare éclectisme, depuis Emanuelle Arsan jusqu'à Maurice Clavel en passant par Samuel Beckett.
Marcel Proust s'illustre dans ce registre par son long pastiche du Journal des Goncourt dans Le Temps retrouvé et par son recueil Pastiches et mélanges.
Parmi les auteurs contemporains, les Oulipiens surtout, comme Raymond Queneau et ses Exercices de style, ou Hervé Le Tellier et son Joconde jusqu'à cent, travaillent explicitement autour du pastiche.
On peut également citer La Fontaine, dans sa fable Le Lion et le Chasseur, ayant pastiché, le disant lui-même dans Le Pâtre et le Lion la fable homonyme d'Ésope.
Au théâtre, Eric-Emmanuel Schmitt a écrit deux pièces-pastiches, deux hommages à des dramaturges qui deviennent l’objet d’une pièce écrite dans leur style. L’une raconte à la Sacha Guitry la vie amoureuse de Sacha Guitry (The Guitrys ), l’autre propose un vaudeville à la Georges Feydeau sur Georges Feydeau, explorant la folie de l’auteur (Georges et Georges ).
Le pastiche est également utilisé dans la littérature populaire, comme l’heroic fantasy et la science-fiction. Une grande partie des fanfictions sont des pastiches. Le roman de David Lodge The British Museum Is Falling Down (1965), qui narre, sur le mode de l'épopée comique, la très harassante et très particulière journée d'Adam Appleby, un étudiant thésard particulièrement impécunieux et angoissé par la possible troisième grossesse de son épouse, ne contient pas moins de dix pastiches littéraires reflétant les sautes d'humeur du personnage principal : Conrad, Graham Greene , Joyce, Kafka, C.P. Snow, Hemingway, D.H. Lawrence, Frederick Rolfe (Alias le Baron Corvo) Henry James et Virginia Woolf3. Dans le domaine de la bande dessinée, les pastiches de la revue américaine Mad et en Europe, ceux de Roger Brunel.
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Gay Vinci Code, Chiflet & Cie, 2006 , Le titre fait référence au Da Vinci Code, le best-seller de Dan Brown ayant eu 30 millions de lecteurs.
. 2007
C'est un roman humoristique publié en 2007 et se déroulant en 2004. Son titre, Le pacte secret1, fait référence à une alliance de fiction entre Nicolas Sarkozy, ministre des Finances, et Ségolène Royal, personnalité politique de Poitou-Charentes, qui seront tous deux candidats à l'Élection présidentielle française de 2007. Dans le roman, ils veulent découvrir qui est le mystérieux informateur de Nicolas Sarkozy. Il semble que cet informateur soit un personnage historique décédé depuis deux siècles. Michel Charasse refuse de les aider dans leur enquête.
Le roman fait aussi intervenir une famille où l'hérédité se transmet de mère en fille, le caractère héréditaire étant celui d'être la maîtresse de celui qui dirige la France. Bien évidemment, la maîtresse de Félix Faure est citée (c'est celle qui, selon la légende, provoqua involontairement la mort de celui-ci lors d'une étreinte amoureuse). Le président Paul Deschanel est aussi cité (lui aussi est légendaire, pour sa chute de train).
. 2007 - Le roman Et si c'était niais ? pastiche l'œuvre de plusieurs écrivains ; ce sont, par ordre alphabétique :
- Christine Angot
- Frédéric Beigbeder
- Anna Gavalda : pastiche de son roman Ensemble, c'est tout ; une mère à la retraite, sans un sou, que son fils oublie d'aller voir. Sa bru enceinte allume malencontreusement sa cigarette alors que la vieille dame avait ouvert en grand sa bouteille de gaz.
- Jean-Christophe Grangé, auteur de romans policiers.
- Bernard-Henri Lévy
- Marc Lévy : pastiche de son roman Et si c'était vrai... .
- Amélie Nothomb : Pascal Fioretto pastiche Métaphysique des tubes.
- Jean d'Ormesson : Il est présenté comme un incorrigible bavard.
- Fred Vargas
- Bernard Werber : Pascal Fioretto pastiche les romans de Werber sur les fourmis et ceux qui parlent de la vie après la mort (Les Thanatonautes) ; un policier cherche sa femme enceinte, morte dans un accident de scooter, puis avec l'aide de son beau-père, scientifique de renom, il remonte toute la file d'attente des gens décédés, en utilisant sans vergogne sa carte de policier.
- Il pastiche aussi Pascal Sevran, présentateur de la télévision française.
L'éditeur Chifflet & Cie est lui-même parodié dans ce livre. Enfin, Pascal Fioretto pastiche aussi les nègres littéraires de cette maison d'édition (il est lui-même un ancien écrivain) : ils sont enfermés dans une cave, l'un d'eux s'est échappé et kidnappe les grands écrivains, mais seul Jean d'Ormesson a droit à sa pitié (ou peut-être que son bavardage fait fuir le psychopathe).
Dans son épilogue, le narrateur indique avoir pris du plaisir à la lecture de quelques-uns des auteurs parodiés dans l'ouvrage.
Le slogan affiché sur le livre est : « La rentrée littéraire assassinée ! »
.2008
La joie du bonheur d'étre heureux : Un pastiche des spécialistes du développement personnel.
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L’Élégance du maigrichon, Chiflet & Cie, 2009
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Rivegauchez-vous!, sous le pseudonyme de Natacha Braque, Éditions de l'Opportun, 2012
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Mélatonine, 2019, lecture en cours - janvier 2019
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